C’est marrant, quand j’y pense. Avant, quand la direction me présentait un incentive, j’avais tendance à vouloir mordre. Au fil des années, j’ai travaillé pour certaines entreprises qui étaient plus douer pour manier le bâton que la carotte. Dans ces boîtes old school, on voulait de nous que nous nous donnions à fond mais on donnait très peu pour rémunérer nos efforts. On se retrouvait donc à tout donner durant un mois pour gagner des cacahouètes, ça mettrait n’importe qui sur les nerfs. L’entreprise pour laquelle je travaille désormais semble heureusement avoir lu quelques articles sur le management. Parce que quand elle organise un incentive, la récompense est à la hauteur de l’effort. Et ça, ça change tout. Du coup, c’est avec joie que je reçois les nouveaux incentives, et je me donne à 200 %. C’est comme ça que j’ai déjà gagné un portable, un scooter, des places VIP pour des matchs de foot… Si j’étais déjà satisfait de ces avantages, il y a deux mois, j’ai néanmoins remporté la timbale : un voyage d’une semaine au Maroc ! Pourtant, au départ, je dois avouer que je n’étais pas franchement motivé à cette idée. Si l’on m’avait donné le choix’aurais préféré effectuer ce voyage avec ma femme. Parce que c’était un voyage entre collègues, évidemment. Le concept m’ennuyait pas mal. Voyager avec ses collègues, ce n’est pas tout à fait du travail, mais c’est quand même loin d’être des vacances. J’imagine que c’est la même chose en ce qui vous concerne : on ne se conduit pas de la même manière en entreprise et on se comporte à la maison. Il faut jouer un rôle, celui du mec qui se relâche parce que c’est ce qu’il est censé faire… tout en prenant attention à son attitude, étant donné que les collègues ont des yeux. Du moins, c’est ce que je pensais. Parce qu’une fois sur place, j’ai surtout rendu compte qu’une virée entre mecs, ça permet également d’être naturel. Quoique d’un naturel très différent de celui qu’on a avec sa femme. J’ai perdu pas mal de neurones durant ce voyage, mais ça fait quand même du bien. Je craignais un peu que les activités proposées sur place soient une compilation d’activités faussement exotiques. Vous savez, le genre d’ activité où vous avez l’impression d’être dans un usine à gaz du tourisme. J’ai déjà eu l’occasion de vivre ce genre de moment au cours d’un voyage avec ma femme, challenge commercial et ça ne m’a vraiment pas plu. Mais mon entreprise a, cette fois encore, su tirer son épingle du jeu : c’est une agence spécialisée qui a tout organisé de bout en bout, et nous a concocté un voyage vraiment authentique. Si celui-ci était au final assez riche, ça a été un vrai bonheur : ce n’était pas un séjour touristique (le colon blanc venu s’encanailler chez les indigènes), mais d’un séjour authentique où nous avons non seulement découvert la culture locale mais également échangé avec les habitants et entre collègues. Je craignais surtout d’être atterré par les activités qu’on nous réserverait sur place. Vous savez, comme ces chasses au trésor où l’on a l’impression de revenir en colo. La direction a fait d’une pierre deux coups, sur ce coup-là : elle a satisfait ses employés en leur donnant un voyage et a aussi permis à ces derniers de resserrer leurs liens. Je pense que je suis en définitive arrivé à destination. Il y a eu une période où je passais d’une société à l’autre. Aujourd’hui, je ne regarde même plus dans le jardin du voisin. Et vous savez quoi ? Ca fait du bien, de se sentir enfin arrivé.

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