Samedi dernier, j’ai expérimenté une promenade en jetski à Monaco, à l’occasion de laquelle j’ai discuté avec un maraîcher. On a du coup beaucoup parlé de cette étonnante résolution de Carrefour de commercialiser des légumes « interdits ». Du coup, j’ai pu avoir un bon aperçu de la situation.
Premier point, l’enseigne ne se met pas hors-la-loi en agissant ainsi : elle est autorisée à monnayer ces légumes. Si l’on en parle autant, c’est que ces légumes découlent de graines locales qui ne sont pas homologuées. Ils peuvent par conséquent être distribués, mais les semences elles-mêmes ne peuvent être vendues. Il existe en effet dans notre beau pays un catalogue national qui classifie les variétés qu’on peut commercialiser : si l’on souhaite y insérer une autre entrée, il faut régler entre 1000 et 10000 euros ! Les industriels sont généralement les seuls à pouvoir payer.
Ce système entrave évidemment la diffusion de ces graines. Il y a ainsi plus de 2 millions de légumes dont les semences ne survivront pas ! Et 3/4 des semences comestibles ont déjà disparu…
De même, les petits producteurs ont peu de chances de répondre aux standards prescrits par ce système. On les oblige en effet à soumettre des légumes très standardisés. Ce catalogue est, en l’état actuel des choses, destiné aux seules grandes industries et non aux petits producteurs.
La collaboration de Carrefour avec les petits producteurs est pour une part un coup de pub à moindre frais, mais c’est au-delà de ça un investissemement stratégique pour la marque. C’est en effet une excellente façon d’étendre sa gamme : les clients aspirent ces dernières années à cuisiner des produits authentiques. A l’évidence, la grande distribution et le petit producteur ne sont pas forcément comme chiens et chats.
Autrement, cette promenade en jetski m’a beaucoup plu. Si vous ne connaissez pas, vous passez à côté de quelque chose ! Jetez donc un oeil sur ce site, si vous voulez voir à quoi ça ressemble. A lire sur le site de cette expérience de randonnée de jetski à Monaco.
Grossièrement, le commerce international de la Chine est, dans les statistiques nationales, de 4 Mds tonnes en 2017. S’ajouteraient entre 4 et 5 Mds de tonnes de trafic domestique réservés à la flotte nationale. Le trafic international est partagé entre acteurs chinois et internationaux dont les dynamiques armements européens. Ces derniers conservent un leadership incontestable sur le transport maritime mondial. Ainsi, exprimé en tonnes de port en lourd (tpl), le contrôle économique européen est presque trois fois plus important que celui de la Chine et de Hong Kong. En se basant seulement sur les principaux pays européens dans chaque segment, on peut voir la place de l’Europe et l’héritage de ses nations maritimes (Grèce, Allemagne, Danemark, Norvège) face à l’émergence chinoise, même si la croissance est en cours par une double exigence politique et économique. La conteneurisation comporte six méga carriers dont quatre Européens (Maersk, MSC, CMA CGM et Hapag Lloyd) qui représentent 52% de la capacité mondiale. Dans le mouvement récent de fusions / acquisitions, l’Europe du conteneur s’est encore agrandie avec le rachat de APL-NOL par CMA CGM et la fusion d’Hapag Lloyd – UASC. L’emprise européenne est le fruit de l’histoire de la conteneurisation, de la disparition américaine et de la faiblesse asiatique face à la globalisation. Au delà, la domination européenne du shipping est une constante avec le poids des armements grecs dans le pétrole et le vrac, les sociétés allemandes de propriété de navires, les acteurs italiens et scandinaves (pétrole, gaz, chimie, car carrier, roro). L’Europe maritime est hypertrophiée face au besoin même du continent en termes de transport. Elle représente un apport net à l’économie continentale même si l’on peut toujours discuter de la manière (registres internationaux, accompagnements fiscaux des Etats, recours à l’emploi non européen…). Au final, c’est la vieille et dynamique industrie maritime qui a profité de la globalisation et des émergences économiques. Présent dans tous les segments du transport maritime, Cosco est l’acteur dominant chinois. De création plus récente, China Shipping avait montré un dynamisme remarqué notamment dans la conteneurisation. À partir de 2013, les difficultés de Cosco (sur les marchés maritimes et dans la performance boursière) ont fait réagir Pékin qui n’a pas hésité à sacrifier China Shipping dans une absorption en 2016. Le résultat fut de faire grossir sensiblement Cosco dans le conteneur, mais aussi dans les autres secteurs (pétrole, vrac). L’acquisition de l’armement privé et familial de Honk Kong OOCL annoncée en 2017 avec un prêt de 6 Mds$ de l’Etat chinois donnera cette année encore une stature supplémentaire à Cosco Shippping. De même, on évoque un rachat dans le secteur pétrolier grec pour renforcer la branche dédiée. Cosco est l’un des conglomérats de la galaxie d’entreprises publiques contrôlées par la SASAC. Le gouvernement a décidé un vaste mouvement de concentration de ces conglomérats, mais en préservant une double nature maritime puisque China Merchant a intégré Sinotrans & CSC, opérateur multisecteurs dont le conteneur et plutôt centré sur la Chine et l’Asie. China Merchants possédait une branche maritime CM Energy Shipping, d’abord avec des pétroliers puis avec des grands minéraliers en accord avec le Brésilien Vale et des méthaniers liés au champ russe de Yamal. Cosco est le plus grand armement mondial avec un millier de navires, 1/3 de pétroliers, 1/3 de porte-conteneurs, 1/3 de navires vraquiers et cargos conventionnels. Le carnet de commandes tous navires confondus a atteint un milliard de dollars en 2017 1 . Pour China Merchant, qui est le deuxième opérateur de tankers derrière Cosco, l’ambition est aussi là. Reste que derrière les deux conglomérats maritimes produits par une économie gigantesque il y a peu de choses, certes d’autres acteurs maritimes, mais pas d’ampleur internationale. La comparaison avec l’Europe et ses nations maritimes est logiquement défavorable pour la Chine. L’émergence chinoise ne produit que deux géants issus de l’économie d’Etat. D’autres acteurs locaux sont à des intérêts provinciaux publics. Une véritable amplitude demanderait des groupes privés évoluant dans un contexte libéral. Paradoxalement, ce monde-là existe dans la sphère culturelle chinoise, à Hong Kong, Taiwan et Singapour.